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La Tolérance

< Les êtres sensibles ne sont pas en faute ; ce sont 

les émotions perturbatrices qui le sont. >

Chandrakirti 

La nature et les avantages de la tolérance

 

La nature de la tolérance consiste en un état d’esprit serein face à l’agression et à la souffrance. Tous les bienfaits suivants proviennent de la patience : cette renaissance heureuse extraordinaire que nous avons temporairement reçue, un joli corps, une bonne situation, la bonne entente avec nos proches, des relations de confiance, l’accomplissement rapide des terres et des voies, l’absence de conflit et l’abondance de plaisirs.

 

La nature et les désavantages de la colère

 

La colère consiste en une attitude hostile survenant lors de l’observation d’un phénomène source de souffrance. Ce facteur mental fonctionne de manière à empêcher de demeurer en contact avec le bonheur et à endurer les méfaits.

 

Les inconvénients de la colère sont les suivants : les démons et maladies que sont les émotions perturbatrices telles que la colère ont pour conséquences une vie courte, de nombreuses maladies, du travail difficile à trouver, des séparations fréquentes et faciles avec nos proches, de la violence envers les membres de notre famille, le suicide. Elles font dégénérer la moindre parcelle d’amour, de compassion et de bodhicitta que nous possédons.

 

La colère est la pire des non vertus. On doit réfléchir aux avantages de la patience et aux désavantages de la colère bien avant que cette dernière ne se produise. Sinon, la colère et les maints problèmes qui en découlent (le malheur personnel et celui d’autrui, le suicide, etc.) pourront survenir. Prenons le temps de vérifier si nous serions capables de maîtriser tous nos ennemis. En réalité, il restera toujours des ennemis à maîtriser jusqu’à ce qu’il ne reste plus un seul être sensible. Si par contre nous maîtrisons notre colère, nous n’aurons plus un seul ennemi et ce sera comme si nous les avions tous maîtrisés. Shantidéva dit :

 

« Où trouver un cuir assez grand pour couvrir toute la terre? Le simple cuir sous ses semelles est suffisant. »

 

La pratique de la tolérance envers les autres êtres sensibles

 

Du maître Chandrakirti :

 

« Les êtres sensibles ne sont pas en faute; ce sont les émotions perturbatrices qui le sont. »

 

Les êtres sensibles dont les humains, les animaux, etc. ne sont pas mauvais ou fautifs. Ils sont en fait dominés par leurs émotions perturbatrices. Au contraire, ils sont d’une immense bonté car ils sont ceux envers qui on développe l’amour et la compassion. Pensons alors : « Pourquoi me mettrais-je en colère contre eux? » et efforçons-nous de les libérer de leurs émotions perturbatrices, le vrai problème. Il n’y a rien qui pourrait être plus profitable et avoir plus de sens.

 

En outre, il est illogique de s’emporter contre des êtres sensibles qui, sous l’influence d’émotions perturbatrices telles la colère et le désir-attachement, vont jusqu’à poser involontairement des actes négatifs inconvenables envers des membres de leur propre famille. Nous devons plutôt essayer de les libérer de leurs émotions perturbatrices.

 

Par exemple, si un patient fou se met à frapper son médecin ou un fils à frapper son père, on tentera de les calmer de leur folie plutôt que de se mettre en colère contre le patient ou contre le fils. De même, si nous nous brûlons la main dans le feu, il est absurde de se mettre en colère contre le feu, car sa nature même est de chauffer et de brûler. C’est notre faute si nous y avons touché. Ainsi, l’unique alternative que nous avons est de faire attention à ne plus y toucher dorénavant!

 

La nature même de la terre est la solidité et la fermeté. Celle de l’eau est de mouiller et d’humidifier. Celle de l’air est la légèreté et la mobilité. Il est donc illogique de se fâcher contre les éléments.

 

De même, lorsque surviennent des circonstances adverses qui nous rendent inconfortables, rappelons-nous que c’est le résultat d’avoir nui aux autres êtres sensibles et aux éléments dans le passé. Alors pourquoi être fâché d’avoir à expérimenter ce résultat? Méditons sur la patience en décidant qu’à partir de maintenant nous ne nuirons jamais aux êtres sensibles ni aux éléments.

 

On peut méditer sur la patience face à ceux qui nous nuisent. C’est impossible envers ceux qui nous aident. Plus on nous nuit, plus on a d’opportunités de pratiquer la patience. Ceux qui nuisent nous assistent dans le développement de notre patience, cause de notre bonheur. C’est ainsi que l’on doit penser. Shantidéva dit :

 

« Aucun méfait ne rivalise avec l’aversion; aucun ascétisme n’égale la patience. »

 

Comment devrions-nous cultiver avec sagesse la difficile vertu qu’est la tolérance, tout en abandonnant la grande non-vertu qu’est l’aversion? En n’ayant ni grand attachement pour la patience ni grande répulsion envers l’aversion. En tant que débutant, il est très important d’avoir une attitude équilibrée en regard de ces deux attitudes, afin qu’elles soient en harmonie. Les saints maîtres tibétains du passé ont dit : « Sans aversion, pas de patience ». L’aversion est une cause nécessaire au développement de la patience. Néanmoins, il est primordial d’abandonner l’aversion et ne pas l’entretenir. Shantidéva dit :

 

« Aucune non-vertu, cause de souffrance, n’égale l’aversion. »

 

Dans la philosophie bouddhiste tibétaine, on fait mention de l’esprit et d’un grand nombre de facteurs mentaux. On peut ainsi constater qu’un être sensible et ses émotions perturbatricessont des éléments distincts. Les émotions perturbatrices sont des facteurs mentaux impurs et temporaires. L’esprit, quant à lui, est un continuum sans commencement ni fin, de nature pure et lumineuse. Ceux qui suivent l’enseignement du Bouddha affirment que l’esprit et les émotions perturbatrices sont différents et incompatibles. Cela se compare au soleil et aux nuages. Le soleil est de nature claire et pure et il brille continuellement, tant le jour que la nuit. Les nuages, quant à eux, passent et disparaissent. C’est à la portée de tous de comprendre cette distinction.

 

Cultiver la tolérance tout en expérimentant diverses formes de souffrances

 

Si l’on peut voir les avantages de la souffrance et des circonstances adverses et indésirables que l’on vit dans nos problèmes quotidiens et même durant nos rêves, on pourra cultiver la patience. Cela passe par l’acceptation de la souffrance.

 

Certaines personnes vivent des maladies et des douleurs durant de longues années. Leur vie est remplie de souffrances. Si elles arrivent à tolérer ces difficultés et à les voir comme des moyens pour développer la compassion, peu importerait alors l’ampleur des difficultés rencontrées, elles seraient expérimentées avec plus de légèreté. Shantidéva dit :

 

« La souffrance est un grand bienfait : c’est un ébranlement qui provoque la chute de l’arrogance, entraîne la compassion envers les êtres, fait craindre l’immoralité et aimer la vertu. »

 

Cultiver la tolérance envers les difficultés expérimentées tout en accomplissant des actes vertueux

 

Lors de nos actions positives quotidiennes, il s’agit d’être tolérant et de ne pas se décourager face aux difficultés. On doit pouvoir cultiver la tolérance dans l’accomplissement d’activités positives lorsque surviennent l’inconfort physique, la chaleur, le froid, les petits problèmes avec nos proches, les désaccords avec notre conjoint et toutes autres difficultés expérimentées involontairement.

 

Accomplissons patiemment toutes les actions positives, causes de bonheur, continuellement et sans exception, jusqu’à l’atteinte du bonheur sublime de l’éveil [1]. Appliquons continuellement et patiemment les antidotes aux actions négatives, causes de souffrances, jusqu’à l’atteinte de la libération.

 

En cette époque agitée, les actions positives, causes de bonheur, sont très rares. Par ailleurs les actions négatives, causes de souffrance, sont multiples et accomplies sans effort. Nous devons entraîner notre esprit à la tolérance afin de cultiver la vertu et d’abandonner la non-vertu. Shantidéva dit :

 

« Les causes de bonheur sont occasionnelles; les causes de souffrance abondent. »

 

[1] L’éveil représente l’état pur de l’esprit d’un être lorsqu’il est complètement libéré des impuretés occasionnelles que sont les émotions perturbatrices ainsi que de leurs empreintes.

 

Guéshé Lobsang Samten

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