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Le Moment Présent

< Tels un joyau, le ciel et l'eau pure, 

la nature de l'esprit a toujours été sans perturbations. >

Maitreya 

Le passé et le futur

 

Au sein de la philosophie bouddhiste existent différentes positions philosophiques quant à l’existence ou l’inexistence du passé et du futur. Ici sera présentée celle qui affirme que le passé et le futur n’existent pas et que tout ce qui existe fait partie du moment présent.

 

Le bonheur et la souffrance du passé ne subsistent qu’en tant que souvenirs conceptuels, car ils ne peuvent être expérimentés ou vécus directement. Ce qui est appelé « passé » l’est seulement en relation avec le présent. De même, le futur est appelé ainsi en relation avec le moment présent.

 

Si nous pensons beaucoup aux événements du passé, cela créera les causes de la souffrance : attachement, aversion et confusion. Par exemple, en se remémorant une action positive passée, on s’y accrochera et on développera le désir-attachement. En se rappelant une action négative, elle nous perturbera et on développera l’aversion. Les souvenirs qui ne font pas partie de ces deux catégories généreront la confusion. Ainsi, rien ne pourrait être plus décevant et désappointant que de passer beaucoup de temps à ressasser le passé. Notre vie humaine deviendrait vide de sens.

 

Le futur non plus n’existe pas. Par exemple, tous nos projets futurs, grands ou petits, sont illusoires et n’existent que par le pouvoir de la création mentale. Ils ne font pas partie du présent, pour la simple raison qu’ils font partie du futur. Nous ne pouvons donc pas profiter dans le présent de ces projets futurs.

 

En plaçant une confiance exagérée dans les projets futurs, l’esprit sera perturbé et cela créera des difficultés. De plus, il n’y a aucune certitude que ceux-ci se réaliseront. Il est cependant inutile de mentionner qu’il faut absolument mettre des efforts pour la réalisation de nos projets.

 

L’histoire raconte que le logicien Droukpa Kunleg emprunta de l’or à un roi sot et prospère, en promettant de le lui rendre dans le futur. Comme il était écrit dans le contrat que l’or lui serait remis « dans le futur », Droukpa Kunleg réussit par astuce à ne jamais lui rendre son or.

 

Une histoire raconte également qu’une mère dont l’enfant n’était pas encore né rêva que sa future fille trouvait un mari et qu’elle donnait naissance à un bel enfant riche et puissant. La mère, espérant que ce rêve se réaliserait, passa plusieurs années à attendre ce présage. Finalement, il ne se réalisa jamais et sa fille dût vivre une vie de misère. Nous vivons tous des problèmes de ce genre à cause de notre confusion par rapport au futur.

 

Bien qu’en général passé et présent n’existent pas, en ce qui concerne une fleur par exemple, il est possible de parler de son passé, de son futur, etc... Bref, passé et futur ne sont que de simples désignations conceptuelles; ils n’existent pas réellement et concrètement dans le moment présent.

 

L’époque actuelle connait une avancée matérielle et technologique extraordinaire, mais nous n’avons pas encore trouvé la technique permettant de transformer notre esprit pour trouver le bonheur intérieur. De nos jours, nous jouissons d’un progrès extraordinaire extérieurement, mais d’un sous-développement en ce qui a trait à la compréhension du monde de l’esprit.

 

Par exemple, la construction d’une route qui aurait pris autrefois dix hommes ou plus ne prend aujourd’hui qu’un seul homme au contrôle d’une machine. Toutefois, le développement de l’esprit, quant à lui, n’a pris aucun essor et ne s’est aucunement amélioré. Par conséquent, on dit qu’autrefois il fallait six mois afin d’atteindre le calme mental. De nos jours, cela doit demander plus de temps...

 

L'importance d'accomplir ses désirs dans le moment présent

 

Il importe d’agir dans le moment présent afin de trouver le bonheur souhaité et d’éliminer les souffrances indésirables. Ce choix entre bonheur et souffrance repose présentement entre nos mains.

 

La recherche du bonheur et l’élimination de la souffrance ne dépend que d’une seule personne : soi-même. Le bonheur et la souffrance ne proviennent pas de l’extérieur ou de quelqu’un d’autre.

 

Si le simple souhait d’être heureux nous rendait heureux, tout le monde serait heureux et personne ne souffrirait, parce que c’est ce que tous désirent. Rechercher le bonheur implique donc d’identifier le bonheur souhaité et d’en cultiver les causes dès maintenant. De même, éliminer la souffrance signifie de reconnaître la souffrance et d’en abandonner les causes dès maintenant.

 

De plus, il est difficile d’identifier ce qu’est réellement le moment présent. En effet, il est dit dans les textes bouddhistes que la plus infime unité de temps qui nous soit perceptible se divise encore elle-même en soixante-quatre micro-unités. En y réfléchissant bien, on constate que la condition de vie humaine est fugace et que la souffrance et le bonheur reposent sur cette fugacité.

 

Ainsi, la fugacité peut être divisée de plusieurs façons, mais on peut en retenir deux divisions : la fugacité d’achèvement d’une action et la fugacité du temps infime. La fugacité d’achèvement d’une action inclut plusieurs éléments, par exemple : la fugacité du début de la vie d’un homme jusqu’à sa mort, la fugacité du moment où l’on se couche le soir jusqu’au moment du lever, etc... Ainsi, c’est se tromper que de n’éprouver aucune déception d’avoir laissé filé notre vie humaine si fugace et au contraire d'éprouver de la déception lorsque nos projets mondains ne réussissent pas complètement.

 

Pour cette raison, il ne faut gaspiller aucun instant de notre vie humaine. Méditons dès maintenant afin de réaliser la nature lumineuse de notre esprit. Quels sont les exemples et les preuves démontrant la nature lumineuse de l’esprit? Il est dit que l’essence fondamentale du Sougata[1] du continuum mental d’un être sensible est par nature pure et lumineuse, comme le ciel est naturellement sans nuages. De même, la nature de l’eau est d’être sans polluants et la nature de l’or est d’être sans impuretés. Maitreya a dit :

 

« Tels un joyau, le ciel et l’eau pure, sa nature a toujours été sans perturbations. »

 

Quelqu’un pourrait demander : « Comme la nature de l’esprit a toujours été libre de perturbations, alors pourquoi doit-on méditer maintenant? » Bien que la nature de l’esprit ait toujours été libre de perturbations, les émotions perturbatrices occasionnelles voilent sa vraie nature. On dit donc que l’on doit méditer maintenant afin de les éliminer.

 

Quelles sont ces émotions perturbatrices occasionnelles qui voilent l’esprit? Ce sont l’attachement, l’aversion et la confusion. S’il est impossible de les éliminer maintenant, il sera aussi impossible de profiter de la nature lumineuse de l’esprit.

 

Il importe donc d’appliquer les antidotes qui permettront d’éliminer chacune de ces émotions perturbatrices. Nous avons besoin respectivement du lâcher-prise, de la tolérance et de la sagesse. Afin de s’engager dans ces trois bonnes voies, entraînons-nous avec aspiration, et alors viendra l’effort joyeux.

 

Appliquer les antidotes à la paresse

 

Il existe trois formes d’application de l’effort joyeux agissant comme antidote aux trois types de paresse.

 

1) La paresse de la procrastination

 

La procrastination consiste à remettre au lendemain, au mois prochain, à l’année prochaine, etc..., la possibilité de poser des actions vertueuses dès maintenant. Son antidote est la contemplation de ce corps humain que nous possédons maintenant et à quel point il est exceptionnel et bénéfique. De plus, si l’on réalisait que cette vie actuelle est de nature extrêmement fugace, on éliminerait la procrastination et on trouverait le bonheur en pratiquant l’effort joyeux.

 

2) La paresse de l’attrait envers les activités distrayantes

 

Nous nous éparpillons et nous nous fatiguons à cause de l’attachement et de la distraction tournés vers des objets et des activités insensés. S’engager dans des actions nuisibles devient même facile. Cela ne s’appelle pas de l’effort joyeux, mais de l’entêtement. Son antidote est de vérifier si ces activités contribuent effectivement à notre bonheur. Abandonnons ensuite l’attachement pour les activités insensées et entreprenons celles qui sont bénéfiques dès maintenant. Pratiquer cela avec effort joyeux nous apportera le bonheur et éliminera la paresse de l’attachement envers les activités distrayantes.

 

3) La paresse du découragement

 

Le découragement occasionne l’absence d’effort pour atteindre le bonheur, en se disant par exemple : « Comment quelqu’un comme moi pourrait-il trouver ce bonheur? Comment me serait-il de surcroît possible d’aider les autres à être heureux? » Son antidote est de penser que même une mouche est capable de poser des gestes afin de protéger sa vie. Comment alors un être humain comme moi qui sait parler et qui comprend ce qui est bénéfique ne pourrait-il pas trouver le bonheur? Ainsi, on pratiquera l’effort joyeux qui procurera la joie et anéantira la paresse du découragement.

 

[1] Épithète d’un Bouddha, un être éveillé, signifiant « allé dans la félicité ». Chaque être sensible est dit posséder cette nature fondamentale.

 

Guéshé Lobsang Samten

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